L'installation de Jean-Baptiste de La Salle, avec ses maîtres, rue Neuve



A cette époque, les écoles sont tenues par des maitres-écrivains. Elles ne sont pas gratuites. Les pauvres n'y ont pas accès. Comme dans toutes les petites écoles, les élèves apprennent à lire en latin. « Il faut que les enfants avant que d’être mis à la lecture française sachent bien lire en latin en toutes sortes de livres, car cette lecture étant le fondement de la Française, puisqu’elle contient les mêmes caractères et syllabes, si on montre à un enfant à lire en latin et en français tout ensemble, il donnera grand peine au maître. »
C 'est un enseignement individuel. Dans le système d’enseignement individuel, l’horaire de l’école est réduit à sa plus simple expression : il suffit que le Maître indique l’heure de début et de fin du travail. Entre ces deux limites, il se consacre successivement à ses élèves. En fait – et on l’imagine facilement – il a peu de temps à consacrer à chacun et les limites de temps demeurent assez vagues pour eux.
Q uelques curés de paroisses s’étaient émus de cette situation, et ils avaient ouvert des “écoles de charité”, sortes de garderies ou d’ateliers protégés. Ces écoles étaient gratuites, mais pour éviter le désœuvrement des enfants, en dehors du temps réservé à l’alphabétisation et au catéchisme, des heures de travail leur étaient imposées, surtout de la couture ou du tissage. Les maîtres étaient choisis par le curé. La plupart du temps ils étaient eux-mêmes peu instruits, pas formés à leur métier d’enseignants, peu considérés et très peu rémunérés. Ils étaient des pauvres au milieu des pauvres, souvent aussi frustes et grossiers que leurs élèves.

L e 15 mars 1679, Jean-Baptiste de La Salle rencontre Adrien Nyel chez les soeurs de l'Enfant Jésus, rue du Barbâtre. qui lui est envoyé par sa parente Mme de Maillefer, avec mission de créer des écoles gratuites pour les petits garçons pauvres, jusque là délaissés.
Q ui sont-ils ces plus pauvres de France ? Ce sont les soldats, les manœuvres, les journaliers, les laquais, les bergers et autres valets... À ceux-là il faut ajouter les divers commis, et tous les barbiers, apothicaires, cabaretiers, porteurs d’eau, colporteurs, ainsi que les ouvriers et les artisans. Les artisans, les ouvriers, et, d’une manière générale, tous les pauvres, tous très peu instruits, étaient occupés tout le jour à travailler dur pour gagner leur vie et celle de leur famille: les horaires journaliers variaient entre 12 et 16 heures. L’homme et la femme étaient obligés de travailler pour survivre: comment, dans ces conditions, auraient-ils pu s’occuper de leurs enfants? Ils n’avaient même aucun espoir de voir leurs enfants s’en sortir et acquérir un minimum de qualification professionnelle, puisque l’apprentissage était généralement payant. Il faut ajouter que de nombreux enfants pauvres des classes inférieures, étaient embauchés dans les manufactures dès l’âge de six à sept ans, et pour des salaires dérisoires.
“Ces enfants pauvres de l’un et l’autre sexe... sont des vagabonds qui courent les rues, qui ne savent que jouer, faire des polissonneries,... se battre et se quereller... Ces enfants qui ne paraissent à l’église que pour y causer du tumulte et du scandale,... ces enfants qui en croissant deviennent des jureurs, des ivrognes, des libertins de profession, et qui en remplaçant leurs pères, continuent la génération des hommes sans foi, sans religion et sans usage de la raison... Ainsi ces enfants familiarisés avec le vice et presque naturalisés avec lui n’en aperçoivent plus le mal et en perdent l’horreur avec l’âge.”
G râce à l’appui du chanoine de La Salle s’ouvrent bientôt deux écoles, sur les paroisses Saint-Maurice et Saint-Jacques.
L’enseignement est simultané, surtout dans une classe à plusieurs divisions ou plusieurs niveaux. Il suppose une planification exacte et précise des activités. Cela peut évoquer pour nous les écoles à classe unique qui existent encore.
La Salle opte résolument pour le français et n’accorde à la lecture en latin que deux mois dans le cursus scolaire, et seulement lorsque « les écoliers sauront bien lire en français ».
Le programme d’écriture est très ambitieux. On n’insiste pas sur l’écriture spontanée, qui va de soi, mais on se concentre sur la calligraphie qui fait l’objet de 8 Ordres d’écriture ronde et 5 Ordres d’écriture bâtarde.


C e programme empiète donc nettement sur le domaine réservé des Maîtres-Écrivains, ce qui provoqua de sérieux conflits entre les écoles des Frères et cette Corporation, allant jusqu’au saccage d’écoles et à des procès où La Salle fut condamné. Malgré cela, celui-ci ne renonça jamais, car il considérait que cet apprentissage représentait un bénéfice professionnel important pour les écoliers.
L e 24 juin 1682, Jean-Baptiste de La salle s'installe, avec ses maîtres, dans une maison qu'il a loué rue Neuve. L'école de la paroisse Saint-Etienne, ouverte en 1679, rue Sainte-Marguerite, dans un immeuble proche de l'hôtel de la famille de La Salle est transférée rue Neuve.
E n 1684, Jean-Baptiste de La Salle propose à ses maîtres une vie de communauté. Ils prennent alors le nom de "Frères des Ecoles Chrétiennes".




L e 11 août 1700, Jean-Baptiste de La Salle achète les deux maisons, rue Neuve, qu'il occupait en tant que locataire.
A fin d'assurer l'entretien des Ecoles Chrétiennes, d'assurer l'existence matérielle des frères de la communauté rémoise et la suivie de l'oeuvre, de nombreuses personnes, prêtres, chanoines, magistrats, marchands bourgeois, veuves et familles apparentées aux de La Salle, lèguent par testament, aux Frères des Ecoles Chrétiennes, de l'argent, des immeubles et même des fermes.