Les hommes qui ont fait l'Automobile

C 'est notre douce France qui est le berceau incontesté de l'automobile. Les hommes de génie dont nous allons parler ont chacun apporté un progrès marquant à la voiture que nous utilisons chaque jour. Nous retrouverons évidemment beaucoup de Français parmi eux et parfois à l'origine de techniques qui ont tardé à être utilisées en France.

L e précurseur de tout ce qui est "auto-mobile" est sans conteste Nicolas Joseph Cugnot (1725-1804). Ce natif de Void en Lorraine, envisage le premier de se passer des chevaux pour tracter les lourdes pièces d'artillerie. Pour ce faire, il construit un véhicule mû par la vapeur, c'est le "Fardier", nous sommes en 1769 ! C'est un plateau à trois roues, capable d'une charge utile de 5 tonnes qui se "lance" à 9 kms par heure… sur une allée du champ de manœuvres de Vincennes.










M alheureusement la maîtrise de l'engin est plus qu'aléatoire, il finit sa course contre un mur. Le véhicule est hors d'usage, en épave dirait-t-on aujourd'hui. L'homme ne se décourage pas et construit un second exemplaire de son Fardier. Les autorités militaires de l'époque ne voient pas l'utilité de cette invention "farfelue". Elle tombe dans l'oubli.










O n peut en voir une reproduction fidèle au Musée du Conservatoire national des Arts et Métiers de Paris (visite fortement conseillée aux amateurs de technique). En imaginant que Joseph Cugnot fut pris au sérieux, le relais de Varennes aurait sûrement été inutile, quid alors de l'histoire de France ?





L e Fardier de Cugnot était mû par son unique roue avant (diamètre : 1, 30 mètre). C'était donc une "traction" anticipant de bien des années nos voitures actuelles (nous y reviendrons ultérieurement). Le moteur placé à l'avant comporte un cylindre unique d'une capacité de 50 litres ! Le mouvement alternatif du piston doit être transformé en mouvement rotatif pour la roue. Cette mission est confiée à un système de "rochet". C'est une première ! Le véhicule était long de 7 mètres 25.









C es quelques caractéristiques nous portent peut-être à sourire et pourtant, deux siècles et demi plus tard, elles font partie de notre journalier. En effet, nos voitures sont en grande majorité des tractions. Nos moteurs sont à l'avant et leur cylindrée se mesure toujours en litres (moins nombreux bien sûr.. ). L'homme du Fardier était en avance sur son temps. Avec une simple plume d'oie et bien sûr, sans la moindre calculette, il avait imaginé des techniques rompant tellement avec ce qui se faisait, qu'elles ont traversé le temps sans prendre une ride. On appelle cela du génie à l'état pur.







L 'adage dit " On a souvent tort d'avoir raison trop tôt". Cugnot médite sûrement cela lorsqu'il contemple notre circulation automobile du haut de son nuage !


Charles Jeantaud




S euls les professionnels de la maintenance automobile (enfin presque tous…) connaissent l'épure qui porte ce nom. Elle détermine les angles régissant le train avant de nos voitures. Entendez par là, la position géométrique des roues avant d'un véhicule durant les différentes phases de roulement : ligne droite, courbes diverses, virages serrés etc. En effet, les roues avant d'une voiture sont de nature changeante (féminine … ?). Plus sérieusement, sans que nous en ayons conscience, leur position relative se modifie en fonction de la courbe dans laquelle est engagée la voiture.




C harles Jeantaud était, à la fin du 19ième siècle, un constructeur de voitures électriques. Ses véhicules étaient particulièrement performants pour l'époque. Outre cette activité, il se pencha sur les problèmes de tenue de route des voitures. Il y avait là un travail considérable à fournir car, dans ce domaine, les véhicules n'en étaient qu'à leurs balbutiements : tenue en ligne droite aléatoire et virages toujours rendus dangereux par l'instabilité viscérale des voitures dans cette configuration.













S on intelligence supérieure l'amena à découvrir que lorsqu'une voiture vire, le centre de ce virage se situe dans le prolongement de l'axe de son essieu arrière (le petit schéma illustre son travail). Il mit donc en évidence le fait que c'est l'essieu arrière d'une voiture qui est directeur ; cette vérité ne s'impose pas à première vue ! Selon le schéma, il apparaît indispensable que pour éviter que les roues avant ne "ripent" sur le sol lors des virages, il faut que leur parallélisme se modifie lors du braquage.







L Il faut, évidemment qu'il retrouve son réglage initial en ligne droite (ben voyons !). Et afin de "pimenter" la chose, ce phénomène doit s'inverser en fonction d'une courbe à droite ou à gauche et être progressif selon le rayon de courbure du virage ! Enfin, rien de plus simple quoi… !

D éfi technique qui semble totalement irréalisable. Et pourtant, les neurones de l'homme finissent par trouver la solution. Il imagine des leviers de direction d'une forme particulière. Ce qui semble une évidence aujourd'hui est en réalité le résultat d'une très fine analyse du comportement routier de la voiture.

C ette forme particulière des leviers de direction est toujours d'actualité de nos jours. Elle est aussi valable sur la voiture de Monsieur "Tout le monde" qu'en Formule 1 ou en poids lourds. Lorsque ces derniers sont équipés de quatre roues directrices, on peut imaginer l'importance de la géométrie de ses essieux avant. Merci Monsieur Jeantaud !



S i nos voitures sont capables de passer les courbes en toute sécurité, si nos pneumatiques gardent une usure régulière, nous le devons aux neurones de Monsieur Jeantaud. Car il faut ajouter à ce parallélisme, l'angle de chasse, l'angle de pivot, l'angle de carrossage… .

A rrêtons là ce qui deviendrait rapidement un fastidieux cours de technologie. On ne peut qu'admirer ceux qui, sans ordinateur ou calculatrice (et pour cause !) savaient mobiliser des facultés intellectuelles hors du commun. La valeur d'une invention tient au fait qu'elle traverse les années sans prendre une ride. C'est là que l'on mesure les capacités hors normes des grands précurseurs.